Atelier presse écrite avec Louise Bartlett
Centre social de l’Île du Battoir et médiathèque de Beaurepaire
La série de films Marvel a dans un premier temps entretenu le stéréotype du mâle blanc hétérosexuel sauveur, avant de progressivement laisser plus de place à des personnages féminins, pas blancs, et avec différentes orientations sexuelles.
Le premier film Marvel, Iron Man, sorti en 2008 compte un seul personnage féminin identifié : Pepper Pots, l’assistante du héros. Elle est montrée comme sa future petite amie, et une demoiselle en détresse : elle doit être sauvée par le héros au moins six fois dans la trilogie. On ne se souvient pas d’elle comme personnage, mais pour son lien avec un homme.
Les femmes ne sont pas les seules victimes de la « norme » masculine, blanche, hétérosexuelle et cisgenre. Les films Marvel ne font aucune mention d’un autre genre ou orientation sexuelle. Le premier et seul personnage noir qui vient à l’esprit est Nick Fury, le fondateur du Shield et le seul à avoir une personnalité et une importance considérable dans les films.
Évolution
Lorsque Thor fait son retour en 2017, le ton a changé, et le film se moque de ses prédécesseurs. Jane Foster a disparu du paysage et avec elle les demoiselles en détresse. Certes, ce film ne comporte que deux femmes, mais elles ont leurs propres personnalités, leurs aspirations, des valeurs et motivations. L’une des deux, Hela, est l’antagoniste de Thor et s’avère imbattable. Au point que Thor et son frère Loki se sentent démunis, fuient et tentent durant tout le film de trouver un moyen de la combattre. Valkyrie quant à elle met à terre le héros dès leur rencontre. C’est lui qui devient dépendant d’elle, car il a besoin de son aide pour contrer la déesse de la mort. En comprenant qu’elle est une valkyrie, un peuple de guerrières, il a une réaction qui illustre bien le changement de vision que commence à imposer Marvel : il s’exclame qu’il aurait voulu faire parti des valkyries avant de comprendre que c’est réservé aux femmes. La discussion finit sur un silence et un départ du personnage féminin en position de force. On peut voir dans ce film une modification de la représentation féminine chez Marvel. Les femmes se révèlent plus fortes et ont un réel impact sur le scénario, elles deviennent même indispensables aux héros et ne sont plus liées à lui.
Progressivement plus fortes mais aussi fortement sexualisées
Avant 2019, aucun personnage féminin n’a de film propre. La plupart sont relégués au second plan pour laisser briller les héros masculins. Seules Natasha Romanoff (Black Widow) et Wanda Maximoff (Scarlett Witch) sortent du lot. Contrairement aux autres femmes elles ont un passé, une personnalité propre. Black Widow, un personnage central de la saga, est une espionne aguerrie, intelligente, stratège et forte. Cependant, elle est hyper sexualisée, toujours vêtue de décolletés très plongeants, même son uniforme de combat met en avant ses formes, à l’opposé de ses collègues masculins qui ont tous un costume conforme à leurs fonctions. Elle se bat régulièrement, a été confrontée à diverses guerres et problèmes politiques mais est tout de même déstabilisée lorsque Bruce Banner se transforme en Hulk, durant le premier Avengers. Il se rue sur elle et elle tente désespérément de s’enfuir. Elle ne doit son salut qu’a Thor qui la sauve.
Wanda Maximoff est également incapable de se débrouiller d’elle-même. Elle est d’abord protégée par son frère jumeau Pietro Maximoff, puis une fois qu’il disparait Vision prend le relai. Wanda est très affectée, sensible et fragile durant tout le film Civil War et doit compter sur Vision pour la rassurer et la pousser à se battre.
La réciproque, n’existe pas : les hommes des films Marvel sont forts, ne montrent pratiquement jamais leurs émotions, ont la tête sur les épaules, et même quand ils sont en situation de faiblesse, ils parviennent toujours à s’en sortir d’eux-mêmes.
Un basculement avec Captain Marvel ?
Au bout de 11 ans et d’une quinzaine de films de la franchise Marvel, débarque Captain Marvel, premier film de la franchise dédié à une héroïne. Il s’affirme féministe à de nombreuses reprises. L’héroïne ne dépend de personne et est mise au même niveau que les héros. Avec ce film, Marvel fait mine d’oublier un peu vite les clichés et préjugés qu’il a véhiculés durant les 10 précédentes années.
Captain Marvel marque quand même une rupture. Il existe un avant et un après. En 2021, Black Widow a enfin droit à son propre film. Les deux derniers Marvel rassemblent toutes les héroïnes en leur donnant l’importance qu’elles méritent. Les femmes de sont pas les seules à avoir un rehaussement, il en est de même pour les minorités, qui ont aussi (enfin !) des héros.
Le pionnier est Black Panther, un film qui apporte une ouverture d’esprit, et modifie les codes. Il met en avant des femmes noires, qui participent à la résolution. Cependant il véhicule encore des clichés, par exemple la représentation des habitants – exclusivement noirs – de Wakanda. Certes, il s’agit d’un peuple qui a une autre culture et un fonctionnement différent des occidentaux mais on peut vite faire l’amalgame si on la prend comme une représentation générale des personnes noires.
Suivront d’autres héros issus de minorités comme Shang-Chi, les Eternels, Miss Marvel et Loki. Des films et séries qui présentent des personnes d’ethnies et d’orientation sexuelles différentes de manière assez fluide, en tentant d’éviter les clichés. Wanda Maximoff devient l’héroïne de sa minisérie, Loki aborde rapidement la question de l’orientation sexuelle, sous-entendant que le héros serait attiré par les deux genres. Falcon et Le soldat de l’hiver dénoncent le racisme présent aux Etats Unis. Falcon (un homme noir) devient le nouveau Captain América.
A force de vouloir prouver que leur mentalité a changé, Marvel tombe dans un autre problème, en attribuant à des héroïnes des costumes de héros. L’agent Carter devient Captain Carter, Pepper Pots enfile l’armure d’Iron man dans Iron man 3. Jane Foster devient Thor dans Thor 4 et She-Hulk, la version féminine de Hulk est créée. Il est tout aussi sexiste de réduire des héroïnes à des représentations de héros ayant déjà existé. Agir de la sorte met l’accent sur le genre, qui ne devrait avoir aucune importance.
J’ai l’impression que Marvel a retourné sa veste en se prétendant féministe et ouvert d’esprit, après avoir mal représenté femmes et autres minorités. Comme s’il y avait des quotas à respecter. Je crains que par la suite, on tombe dans le problème inverse c’est-à-dire définir ses personnes uniquement par leurs genre, couleur de peau ou orientation sexuelle.
Ellia Krouna